Le « brainstorming » est un outil qu’on ne présente plus ; largement plébiscité par les dirigeant.es et managers de tous bords. Il est LA solution managériale par excellence pour générer les idées géniales qui changeront le monde de demain et rendront par la même occasion l’entreprise plus performante et rentable. Le succès du « brainstorming » est tel, qu’il en est devenu plus qu’une activité créative ; une mode. Dans l’imaginaire collectif c’est devenu une activité «fun» qui rappelle les valeurs «cool» et créatives du monde de la publicité à l’instar du directeur artistique de « génie » Octave PARANGO, protagoniste du film « 99 Francs ».
Pourtant des études vieilles de plus de 25 ans le montrent (Productivity Loss in Brainstorming Groups– B.Mullen, C.Johnson & E.Salas), «brainstormer » est contreproductif et tue la créativité. Malheureusement, le message scientifique a du mal à se faire entendre tant le « brainstorming » est devenu la norme managériale. Tant qu’à faire des «brainstorming », les consultants du cabinet de conseil Calista Conseil vous donnent des clés de lecture et des pistes pour innover sans tuer la créativité de vos salarié.es.
« Brainstorming » : origine et définition
Avant de devenir la norme du conseil en management et RH pratiquée dans tous les milieux professionnels indifféremment du domaine d’activité, le « brainstorming » a été inventé par le publicitaire américain Alex OSBORN, qui s’inspira du modèle guerrier américain de mitraillage massif en formation commando pour l’appliquer au monde de l’entreprise dans les années 1940. Pour faire simple, cela revient à « tirer dans le tas » et au hasard.
Dans le monde professionnel, ce bombardement massif d’idées dans un laps de temps court doit permettre en général de trouver un nom pour un nouveau produit, une parade à la dernière attaque de la concurrence ou une stratégie pour son comité de direction. Bref une idée tellement innovante qu’elle va changer la donne !
« Brainstorming », mise en application
Quand innover devient un impératif vital pour performer et assurer son développement commercial, les managers n’hésitent pas à expérimenter les processus menant à l’idée qui fera la différence. Pour cela plusieurs techniques sont possibles (en fonction du budget et de l’enjeu) avec pour base le « brainstorming ». Si la forme peut varier : emmener ses équipes dans un château, un hôtel ou une salle de réunion, le fond lui, reste toujours le même : un cortège de PowerPoint, de slides, de Post-It multicolores et moyens « décalés » d’écriture (feutres, pinceaux, crayons de couleurs…) destinés à favoriser la créativité des troupes.
La séance s’ouvre généralement par un mot du manager pour expliquer l’objectif du jour : trouver l’Idée. Puis s’ensuit un grand remue-méninges, où chaque idée remarquable sera Post-itée et collée au paperboard pour examen. C’est le moment où la tornade de papiers fluo, de « bonnes » idées et de généralités en tout genre bat son plein. Le tout se déroule dans un grand halo de bienveillance, où neutralité et absence de jugement sont les maîtres mots. La tolérance est de rigueur, puisque juger reviendrait à entamer l’élan créateur de son/sa génial.e collègue… La fin de la séance aboutit sur une ou deux idées qui seront retenues et peut-être appliquées un jour. En attendant, toute l’équipe a passé un « joyeux moment créatif », repart avec le sourire et le sentiment du travail accompli.
« Brainstorming », un outil mal utilisé
Le problème de fond dans le « brainstorming », n’est pas tant le jaillissement soudain d’idées mais plutôt l’absence de confrontation desdites idées. C’est au manager d’animer les débats et d’encourager les individus à se contredire, tel le dialogue philosophique socratique, cherchez à confronter les opinions entre elles.
La confrontation d’idées, un indispensable du « brainstorming »
Socrate animait les débats et cherchait à montrer que les opinions se contredisent entre elles ou qu’un individu se contredit lui-même. Car c’est en dépassant les contradictions que le dialogue peut conduire à l’idée vraie, celle qui surmonte les contradictions est donc LA « bonne idée ». Et pourtant les participant.es sont prompts à passer et glisser sur les opinions d’autrui de peur de le critiquer et de le froisser devant le reste de l’équipe. Pourtant cela revient à ne pas considérer la pensée de l’individu ; mettre en difficulté la pensée de l’autre, c’est lui accorder une certaine valeur, une certaine attention puisque c’est passer du temps sur son idée.
Ainsi la tolérance dont se prévaut le « brainstorming » n’est qu’une forme de neutralité bienveillante visant à coucher les idées de chacun sur le coin d’un paperboard pour les respecter. Mais le dialogue n’est jamais vraiment entamé, ni même aboutit. D’une part car il évite la confrontation et d’autre part parce que les participant.es confondent « confrontation » et « conflit ». Si le conflit est une opposition, la confrontation est un rapprochement : confronter, c’est comparer, comparer, c’est mettre côte à côte.
Or bien souvent en entreprise, le « brainstorming » ressemble davantage à une forme de flatterie démagogique qu’à un discours constructif, le but étant d’éviter le conflit (bienveillance oblige). C’est d’autant plus vrai dès lors que les personnes n’ont aucune obligation de résultat. Le « brainstorming » devient alors une scène de théâtre où les profils les plus séducteurs vont prendre la vedette avec leurs idées tandis que les plus timides s’effaceront discrètement en se contentant d’acquiescer vaguement. Malheureusement, ce n’est pas parce que je parle le plus fort que j’ai la meilleure idée.
Ainsi par pudeur, vantardise, lâcheté ou indifférence, le « brainstorming » ni confrontant, ni conflictuel, devient alors une réunion d’équipe qui n’aboutit pas aux idées vraies, qui, par définition éprouvent et dépassent les contradictions. Laissant pour seule perdante l’entreprise qui sera passée à côté d’une bonne idée.
Le temps, fabrique à idée
Le meilleur moyen de réussir un « brainstorming » et favoriser la confrontation reste encore le temps. Prendre le temps de réfléchir d’une part et prendre le temps de dialoguer d’autre part. Pour cela, plusieurs conseils :
- Définissez un objectif clair et précis pour votre « brainstorming »
- Demandez à chacun.e des participant.es de réfléchir à l’objectif du prochain « brainstorming » en amont de celui-ci (temps de réflexion indviduel)
- Demandez à ce que les individus couchent le fruit de leur réflexion sur papier
- Récoltez ces réflexions et proposez une confrontation lors de la séance
- Répartissez le temps de parole entre les participant.es de façon équitable
A noter que cela demande un certain courage managérial de la part du manager et une bonne gestion du temps de parole. D’ailleurs certains managers n’hésitent pas à recourir au coaching pour managers afin de mieux préparer leurs séances.
Trois limites du « brainstorming » à prendre en compte
Outre le manque de confrontation, le « brainstorming » est généralement victime de trois limites que les managers ne prennent pas en compte :
- La concurrence pour le temps de parole
- L’autocensure
- Le « passager clandestin »
La concurrence pour le temps de parole
Les différences de tempérament sont légions au sein des organisations. Lors de séances de « brainstorming », les individus les plus à l’aise à l’oral, ceux ayant tendance à séduire leur public se mettront automatiquement en avant (consciemment ou non) et donc monopoliseront la parole. Pourtant ce ne sont pas forcément ceux/celles qui parlent le plus qui disent les chosent les plus pertinentes ou qui ont les meilleures idées. Ici, il faut que le manager calibre le temps de parole par personne, s’impose pour fixer des limites et attribue du temps de parole à chacun.e de façon équitable. Cela obligera les individus à être concis et à réfléchir davantage à leurs propos.
L’autocensure
Idem que pour le paragraphe précédent, les différences de tempérament amèneront irréductiblement les plus timides à se mettre en retrait. De même pour ceux/celles qui n’ont pas vraiment confiance en eux/elles ou ne sont pas à l’aise avec la prise de parole en public. Consciemment ou non, ils/elles vont s’autocensurer jugeant que leurs idées ne sont pas valables ou assez bonnes pour être partagées avec le groupe. Et pourtant, il y a de fortes chances que leurs idées soient pertinentes, d’où l’importance de prendre tout le monde en considération et de faire travailler chacun en amont du brainstorming via un temps de réflexion individuel.
Le « passager clandestin »
Ce phénomène consiste pour un.e participant.e à dépenser plus d’énergie pour éviter l’exercice du « brainstorming » plutôt que d’y prendre part. Généralement c’est toujours la même technique qui est utilisée : se cacher derrière le flot d’idées proposées par le reste de l’équipe. Ce phénomène est assez facile à identifier car la personne utilise souvent les même procédés rhétoriques tels que « je n’ai pas d’idée qui me vient en tête là… », « X ou Y vient de donner l’idée que j’avais justement en tête », « je ne maîtrise pas assez le sujet pour me prononcer tout de suite ». D’où l’importance encore une fois de demander un temps de réflexion individuel en amont, un compte rendu écrit de ces réflexions et du courage managérial.
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